L’air de la ville rend libre : Comment les villes libérèrent les gens médiévaux
« Stadtluft macht frei » (« L’air de la ville rend libre ») est un dicton allemand populaire, faisant référence à un principe de droit en place en Europe au Moyen Âge. Celui-ci permettait à un serf non-libre sous la féodalité de se libérer de son seigneur, dans une ville, après un délai d’un an et un jour. Cela augmenta la migration des peuples médiévaux cherchant à se libérer des territoires féodaux vers les villes à partir du XIe siècle.
En raison de cette liberté, les villes devinrent des centres de commerce, rassemblant des marchands, des artistes et bien plus encore, et offrant une grande variété de produits et de services. Cela rendit les villes dynamiques et prospères, avec des habitants bénéficiant de meilleures conditions de vie que sur les territoires féodaux.
Les serfs sous la seigneurie
La seigneurie était un système féodal de propriété foncière en place dans certaines parties de l’Europe, y compris dans ce qui allait devenir l’Allemagne, au Moyen Âge. Le seigneur qui appartenait souvent à la noblesse, à la bourgeoisie ou à une institution ecclésiastique, était le propriétaire direct des biens fonciers de sa seigneurie. Il habitait un grand manoir avec sa famille sur son domaine, à partir duquel il administrait son domaine rural, et la population d’ouvriers qui travaillaient la terre. La plupart des gens qui vivaient et travaillaient sur la terre étaient des serfs, ou plus précisément des vilains.
Les vilains étaient autorisés à détenir des biens et à travailler la terre, mais ils n’étaient pas libres. En plus de payer un loyer, ils devaient payer au seigneur de nombreux impôts et amendes dont les hommes libres étaient exonérés, sous forme de services de main-d’œuvre ou d’une quantité équivalente en espèces. Par exemple, les vilains devaient payer une amende sur le mariage de leurs filles hors du manoir, sur l’héritage d’une exploitation par un fils, sur le fait d’avoir un enfant hors mariage, etc. Ils manquaient également de liberté de mouvement car il leur était interdit de quitter le territoire du seigneur.
La ville comme moyen d’obtenir la liberté
A partir du XIe siècle, alors que les villes se développaient, il devint un droit coutumier qu’un serf qui vivait dans une ville pendant un an et un jour, ce qui était considéré comme une durée importante dans toute l’Europe à l’époque, serait libre de son seigneur et ne pouvait être réclamé par lui. De nombreux serfs commencèrent à fuir les terres féodales pour gagner la liberté dans la ville, faisant des villes des lieux hors de portée du système féodal dans une certaine mesure. D’où l’expression « l’air de la ville rend libre ».
De plus, alors qu’ils recherchaient plus de liberté, les citoyens de la ville s’accordaient parfois à une « union jurée ». Cela signifie qu’en cas de conflit avec le seigneur de la ville ou avec les pouvoirs politiques locaux, les habitants se rassemblaient et s’entraidaient.
Les atouts de la ville
La plus grande ville d’Allemagne à l’époque était Cologne avec 40 000 habitants. Bien sûr, il y avait des différences entre celles-ci, et des problèmes aussi. Par exemple, les risques d’incendie étaient fréquents car la plupart des maisons étaient en bois, les routes n’étaient pas pavées et c’était assez sale.
Cependant, les villes présentaient de nombreux aspects positifs qui les rendaient attrayantes pour les peuples médiévaux, tels que les marchés hebdomadaires qui fournissaient les produits dont les habitants avaient besoin quotidiennement. Ils avaient lieu sur une place au milieu des villes. Les marchés proposaient des produits de saison ainsi que de la viande de bonne qualité que les marchands préparaient devant la population. Il y avait des poissons des rivières locales ou de la mer et des produits comme le beurre, le fromage, les épices, le miel, qui étaient très importants au Moyen Âge. Outre la nourriture, il y avait des marchandises nécessaires au transport et à la conservation des aliments, des objets métalliques, des poteries, etc. Les villes avaient également des marchés annuels, des marchés spécialisés et plus tard des boutiques couvertes spécialisées.
De plus, les villes étaient des lieux de divertissement. Il y avait des fous et des amuseurs de toutes sortes. Certains étaient des jongleurs, des dompteurs d’ours, des acrobates équestres, des funambules, des escrimeurs. Bien que ces pratiques étaient indésirables, il y avait des diseurs de bonne aventure, des voyants et des magiciens qui offraient au public un frisson. Les ménestrels jouaient du violon, de la flûte, du tambourin, etc. dans les auberges, les fêtes et les foires. Bien que les artistes ne montraient pas seulement leurs arts dans les villes, celles-ci étaient devenues leur lieu par excellence. Les tournois avec des jeux de chevaliers étaient un autre divertissement populaire dans les villes.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la société médiévale était assez mobile. Non seulement la noblesse et les riches voyageaient, mais aussi les marchands, artisans, avocats, maîtres, messagers, etc. Cette mobilité s’est accrue au cours du Moyen Âge et il y avait une forte demande d’hospitalité. Pour répondre à cette demande, des auberges sont nées dans les villes aux XIe et XIIe siècles. Jusqu’au 14ème siècle, il n’y avait pas de distinction claire entre les auberges et les tavernes, elles offraient les mêmes services. Les auberges étaient d’abord situées à la périphérie des villes et au fur et à mesure qu’elles se développaient, elles se sont davantage dirigées vers le centre.
Une forte concurrence pour l’immigration
Les villes attiraient principalement des travailleurs qualifiés, c’est-à-dire des artisans qui participaient à la croissance économique de la ville. De nombreux nouveaux citoyens rendaient une ville attractive et dissuadaient ses voisins concurrents, notamment les puissants dirigeants territoriaux, d’essayer d’agir contre la ville ou contre l’expansion de son territoire. C’est pourquoi les villes se faisaient concurrence en matière d’immigration et adoptèrent une politique d’admission plus libérale. Par exemple, les villes de Lunebourg, Hambourg et Francfort comptaient plus de 100 nouveaux habitants par an à la fin du Moyen Âge.
Certaines personnes immigrèrent également dans des villes d’autres pays. Vers 1370, des groupes d’artisans allemands s’installèrent pour la première fois dans les villes italiennes de Venise, Florence et Rome. Les cordonniers allemands s’installèrent principalement à Rome. Rome était une destination populaire car c’était un lieu de pèlerinage important, l’un des plus importants du Moyen Âge européen. La plupart des boulangers de la ville éternelle étaient également allemands, de sorte que, lorsque les pèlerins allemands venaient à Rome, ils pouvaient manger du pain allemand et séjourner dans des auberges allemandes.
Bien que le principe de la loi ait pris fin au 14ème siècle, pendant trois siècles, c’était un moyen pour beaucoup de gens de trouver la liberté et d’avoir une vie meilleure en dehors du contrôle des seigneurs féodaux. La liberté apporte la prospérité économique, qui améliore les conditions de vie des gens. Ce fait historique devrait être rappelé et devrait inspirer les gens de nos jours à trouver plus de moyens de parvenir à la liberté.