Les partis libertariens sont-ils une option viable aujourd’hui ?
Dans de nombreux pays, nous assistons à l’émergence d’une nouvelle tendance : la formation de partis libertariens. L’idée libertarienne est plus populaire que jamais, mise en évidence par l’élection en Argentine de son premier président libertarien déclaré, Javier Milei.
Le libertarianisme, une philosophie relativement nouvelle, a commencé à prendre forme dans les années 1950 grâce aux travaux de Murray Rothbard. Elle a gagné en substance dans les années 1960 et 1970, continuant à se développer jusqu’à la mort de Rothbard en 1995.
Alors que les idées libertariennes commencent à se répandre, il est naturel que les gens de notre époque forment des partis politiques pour représenter ces principes et plaider en faveur de politiques alignées avec cette philosophie.
Le but de cet article n’est pas de s’opposer à l’idée de participer à la démocratie. Dans un ordre social libertarien idéale, la démocratie serait insensée et même contraire aux principes libertariens, car la démocratie implique généralement de créer des lois susceptibles de violer les droits légitimes de propriété des individus et de soutenir tout le système anti-libertarien des lois positives.
Cependant, étant donné que nous sommes encore loin d’atteindre un tel ordre libertarien, l’objectif de cet article est d’évaluer si l’adoption de stratégies démocratiques est une approche pragmatique pour les libertariens. Plus précisément, cette analyse vise à déterminer si les partis et les campagnes libertariens valent la peine ou s’ils ne sont qu’une perte de temps et d’énergie.
Mettre la charrue avant les bœufs
Si vous avez suivi les partis libertariens et même les politiciens libertariens indépendants à travers le monde, vous avez peut-être vu qu’ils participent à leurs activités électorales : coller des affiches politiques sur les murs, créer et distribuer des tracts, arrêter les gens dans la rue pour parler de leurs idées, et s’engager dans plusieurs autres activités courantes que tous les autres politiciens font.
Cependant, la dure réalité est que la plupart de ces activités sont—actuellement, dans la plupart des pays—une perte de temps, d’efforts et d’argent. À moins que les idées libertariennes ne gagnent en popularité, il est peu utile de former un parti libertarien ou de se présenter en tant que politicien libertarien indépendant, car ces candidats n’attireront pas de votes du fait que leurs idées ne résonnent pas avec la majorité des gens.
On ne récolte que ce que l’on sème, donc, avant de lancer une campagne politique, il est nécessaire de préparer le terrain pour que les idées de liberté soient acceptées par une partie significative de la population.
La plupart des gens ne savent toujours pas ce qu’est le libertarianisme ni ce que cette philosophie défend, d’autant plus qu’ils ont été bombardés par la propagande étatiste toute leur vie. Par conséquent, entrer en politique sans travail préalable revient à essayer de récolter les fruits de graines qui n’ont jamais été semées.
Ainsi, la tâche initiale consiste à diffuser les idées de liberté, en s’assurant qu’elles sont accessibles et compréhensibles pour les gens ordinaires. Cela peut être réalisé grâce à des think tanks, des vidéos sur les réseaux sociaux, des podcasts, et en cherchant à gagner en visibilité dans les médias traditionnels. L’Internet offre de nombreuses voies pour diffuser ces idées, ce qui était inimaginable il y a quelques décennies.
Si nous observons le cas réussi de Javier Milei, nous pouvons voir qu’il a eu une grande présence médiatique pendant des années, étant un invité fréquent de plusieurs talk-shows, où il discutait de ses vues libertariennes et critiquait les politiques économiques existantes. Sa présence médiatique l’a aidé à se constituer un groupe de partisans bien avant d’entrer en politique formelle.
Avec l’espace médiatique de Milei, il a pu présenter des solutions libertariennes aux problèmes quotidiens auxquels les Argentins étaient confrontés. Il soulignait les problèmes de nombreuses politiques qui nuisaient à son pays et proposait des solutions adaptées au public argentin, rendant le libertarianisme attrayant pour la population générale.
Bien que les partis et les candidats libertariens puissent temporairement freiner la tendance naturelle de l’État au étatisme, leur efficacité durable dépend de libertariens dévoués et bien informés qui établissent un soutien solide.
“Vous n’êtes pas un vrai libertarien”
Développer une base libertarienne substantielle, ou du moins obtenir le soutien d’individus penchants pour le libertarianisme dans une région particulière, est essentiel pour réussir dans les processus démocratiques.
Cependant, de nombreux “libertariens” qui participent au processus démocratique en tant que politiciens ou en formant des partis politiques peuvent négliger la connaissance et l’intelligence de leurs électeurs potentiels, comme cela se voit facilement aux États-Unis avec leur controversé Parti Libertarien.
Le libertarianisme est souvent maudit par ses propres partisans. Et de nombreux électeurs potentiels pour le Parti Libertarien estiment que la direction du parti ou ses membres éminents ne représentent pas toujours les idéaux libertariens ou peuvent prioriser l’attention du grand public au détriment de la pureté idéologique.
Les partis et les candidats libertariens indépendants doivent éviter de sous-estimer l’intelligence et les connaissances de leurs électeurs potentiels, qui sont déjà beaucoup plus susceptibles de ne pas participer au processus démocratique.
Les candidats ayant des qualifications douteuses et un historique de prises de position politiques controversées, comme Chase Oliver, le candidat du Parti Libertarien de tendance plus à gauche nommé pour les élections présidentielles aux États-Unis en 2024, qui a publié plusieurs messages controversés sur les réseaux sociaux au fil des ans, nuisent encore davantage à la réputation du parti parmi les autres libertariens.
Il est ironique que de nombreux libertariens, qui sont censés comprendre les principes de l’offre et de la demande, ne parviennent pas à saisir les demandes de leurs électeurs potentiels. Ces électeurs libertariens sont souvent plus vigilants en politique que les partisans d’autres partis aux idéologies différentes ; ils scrutent le parti, ses candidats, cherchant des incohérences entre leurs positions actuelles, leurs déclarations passées et les politiques qu’ils soutiennent ou rejettent.
Une cause perdue ?
Les partis et les politiciens libertariens pourraient servir de mesure temporaire utile pour atténuer les dégâts causés par l’État, à condition qu’ils s’engagent à freiner sa croissance et à rester fidèles aux principes libertariens (le Mises Caucus aux États-Unis et Ron Paul en sont de bons exemples).
Néanmoins, ceux qui poursuivent cette stratégie pour maximiser la liberté doivent travailler diligemment à la diffusion des idées libertariennes, car il est évident que le libertarianisme reste largement méconnu dans la plupart des pays, surtout en Europe.
Bien que la démocratie ne soit pas la solution ultime, de petites victoires dans la lutte contre l’étatisme peuvent être remportées par cette approche, et il est important de célébrer ces succès.